dimanche 24 mars 2013

Ghassan El Hakim : "Une société sans art est une société d’esclaves"

Pour monter leur prochaine pièce, des artistes lancent “Ara T’Bera3”, un appel au financement participatif sur Internet.
Ghassan El Hakim
A qui s’adresse votre message ? Et de quelle façon souhaitez-vous être soutenus ?

«Ara T’Bera3» s’adresse à toute personne désireuse d’encourager l’art libre et non pas un art «propre» ou «patriote». Nous nous adressons aux citoyens qui considèrent l’art, à l’instar de Joseph Beuyes, comme «une science de la liberté». Une société sans art est une société d’esclaves. Pour nous aider, il suffit d’en avoir la volonté. Nous n’avons pas de compte bancaire officiel, mais plutôt des amis bénévoles partout, connus sous le nom d’«artivistes». Notre seule garantie que cet argent servira à monter la pièce de théâtre est la confiance. Donc, pour nous aider, envoyez-nous un e-mail sur : arabera3@gmail.com en précisant la nature du don que vous voulez faire (tickets de train, café, biscuits, yaourts, etc.)
Présentez votre troupe et la pièce que vous montez...

Il ne s’agit pas d’une troupe mais plutôt d’un ensemble de comédiens, scénographes, clowns et photographes, libres dans leurs démarches de recherche et engagés bénévolement dans le projet. Quant à la pièce, c’est une adaptation ou plutôt un emprunt littéraire de «Kroum l’ectoplasme» de Hanokh Levin, un auteur pro-palestinien de Tel Aviv qui a souffert toute sa vie de la censure par le système d’Apartheid israélien. Cela raconte la misère d’un Mellah au Maroc, une misère enveloppée dans un voile léger de burlesque, forgée dans un cynisme sans fin. Les personnages sont plongés dans un cercle vicieux où se côtoient déceptions, bonheur, rêves et morts. Une recette idéale pour permettre aux comédiens d’explorer un monde clownesque tragi-comique, un abîme pirandellesque. C’est un travail d’auto-identification, qui nous pousse dans nos peurs avec une violence extrême, marié à un humour jubilatoire, empruntant de l’auto-dérision. Comme un jeu de massacre, on rit de nous-mêmes, parce qu’on voit défiler nos vies sur scène.

Pourquoi faites-vous l’impasse sur l’aide étatique ?

Nous avons déjà fait une demande d’aide au ministère de la culture pour l’année 2012-2013 au nom de l’Association Babylon Cult-Art. Notre dossier a été refusé comme plusieurs dossiers de troupes composées pour la majorité de lauréats de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (ISADAC). D’ailleurs, j’aimerais ouvrir la parenthèse pour rappeler que l’État dépense beaucoup d’argent pour former des comédiens et des scénographes durant quatre ans, pour les lâcher après sans statut pour les protéger. Pire encore : pour calmer quelques éléments coléreux, le ministère de la culture leur propose des postes administratifs qu’ils se disputent entre eux. La création au Maroc est saisonnière, elle dépend des aides et des moussems. En tant que chercheur qui respecte ce vieux métier, je déclare mon refus de cette politique, au Maroc on ne crée pas, on attend la saison des aumônes. Quant à la censure, je crois qu’il faut plutôt craindre la censure économique qui touche plein d’artistes dans notre pays. D’où l’idée d’aller chercher cet argent directement chez les gens. Certains diront que c’est de la mendicité, moi je dis que c’est un raccourci qui nous évite plein de magouilles et qui nous permet de créer librement sans être obligés de répondre à plusieurs conditions restrictives. La production participative est un bon moyen pour rester proche des gens et de leurs attentes, c’est une idée qui a été appliquée dans plusieurs pays, surtout pour produire des courts-métrages ou des clips, alors il est temps de l’essayer au Maroc, le pays où la solidarité ne manque pas !

Vous portez un regard sombre sur le théâtre, tel qu’il se fait actuellement au Maroc. Vous estimez qu’il n’aide aucunement à se libérer, qu’il s’agit plutôt, chez nous, d’une machine d’abrutissement. Votre vision pour un meilleur théâtre, plus respectueux de l’intelligence des citoyens ?
Quand on voit le nombre de traductions d’auteurs dramatiques contemporains étrangers faites au Maroc, ou le nombre de textes marocains joués à l’étranger, on ne peut pas être satisfait du résultat. Le théâtre est un art du hic nunc, il traite de ce qui se passe autour de nous, dans nos vies d’aujourd’hui, et même quand ça parle d’événements passés, c’est par rapport à l’impact de ces épisodes sur nos vies présentes. Au Maroc, les pièces de théâtre présentées sur les chaînes nationales ou dans les théâtres démontrent que cet art agitateur est considéré, ici, comme un moyen de divertissement, un outil pour maintenir l’ordre général et la discipline. Or, le théâtre libre permet l’élaboration et, par la suite, l’installation d’une société démocratique. Un théâtre libre n’est possible que dans une société où les libertés individuelles sont intouchables, où le citoyen ne vit pas sous le joug d’une puissance quelconque et où la liberté dans son approche philosophique est le seul sacré. En dehors d’une telle société, le théâtre ne peut que se limiter à son rôle perturbateur, irrévérencieux.
Sana Guessous. La Vie éco
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Mohamed Majd lâche la rampe

Une carrière d’un demi-siècle, une dizaine de films marocains, 85 longs métrages étrangers, le comédien Mohamed Majd fut flamboyant et couvert de lauriers à la télévision et au cinéma jusqu’à sa mort le 24 janvier dernier. Récit d’une vie qui ne fut pas toujours un long fleuve tranquille.
Mohamed Majd
Mohamed Majd, qui s’est éteint aux premières heures du jeudi 24 janvier, dans une clinique casablancaise où il avait été admis en raison de ses difficultés respiratoires, passera sûrement à la postérité, d’abord parce que son art, son goût affûté et son formidable instinct l’ont conduit à occuper une place unique sur la planète spectaculaire ; ensuite parce que son retrait forcé des projecteurs pare d’une aura mythique le souvenir de ses interprétations. «Eteint» est le mot qui convient à cet artiste au long cours qui ne se révéla au grand public qu’à l’âge de soixante ans, caracola treize années durant, puis fit le grand voyage sans préavis, mais sur un triomphe, dans Zéro, où il meurt comme par prémonition, et une promesse, celle de nous enchanter dans Zaynab Nefzaouia (actuellement en post production) où détenant un des rôles principaux, Mohamed Majd se serait surpassé, si l’on en croit la réalisatrice de cette fresque historique, Farida Bourquia. Comment un être qui avait les deux pieds au paradis du cinéma, a-t-il pu être fauché au zénith de sa gloire, de surcroît à une semaine du coup d’envoi du XIVe Festival du film de Tanger (du 1er au 9 février), dont il allait constituer la vedette suprême, et à deux mois de la Xe édition de la rencontre «Cinéma et migrations» d’Agadir (du 4 au 9 mars) qui devait l’honorer ? Mektoub.

Lui qui ne pompait l’air, en manqua et expira
Issu de ce Derb Soltane, à Casablanca, si fécond en théâtreux, Mohamed Majd s’enticha précocement des tréteaux. Il dévorait, avec gourmandise, toute la littérature se rapportant à son objet de désir, ne manquait aucun rendez-vous théâtral et ne se sentait à l’aise qu’avec les personnes qui partageaient sa passion. A ce régime, les métiers du théâtre lui devinrent familiers, il choisit celui de comédien, pour lequel il s’avéra un élève exceptionnellement doué, s’acquittant de son rôle avec une aisance merveilleuse.
En témoignent ses prestations dans La règle et l’exception, adaptation par Abdelkader Badaoui de la pièce éponyme de Bertolt Brecht, ou Les Berbères, œuvre de Abdellah Mesbahi, où Mohamed Majd se montra à son avantage aux côtés des étoiles de l’époque, Mustapha Toumi et Abderrahim Ishaq. Le nouveau venu épatait par sa faculté de donner aux personnages qu’il campait un relief attachant, sans doute parce qu’il déployait un jeu dépouillé de fioritures, d’arabesques ou d’extravagances. En un mot, il ne surjouait pas ; il jouait juste. Nous étions au matin des années soixante du dernier siècle, la route de Mohamed Majd semblait tracée, c’est dans le théâtre qu’il s’accomplirait. Surprise : le prodige se mit à tourner le dos à son amour pour faire le siège d’un nouveau : la télévision, dont il obtint la faveur de prendre part à un feuilleton, Le sacrifice, orchestré par le trio Mohamed Reggab - Abderrahmane Khayat - Ahmed Haïdar, et servi par des comédiens de haut vol tels Mohamed Khalfi et Naïma Lamcharki. Cet épisode met au jour un des traits de la personnalité de Mohamed Majd : son aversion de l’engluement. Il préfère butiner à sa guise plutôt que de s’enfermer dans une pratique. Il était libre, Majd.

Très tôt, l’enfant de Derb Soltane s’enticha du théâtre
L’idylle entre la télévision et Majd vécut ce que vivent les roses ; cédant à son penchant donjuanesque, le comédien découvrit des charmes insoupçonnés au grand écran, et résolut de se convertir en acteur, profession à laquelle il s’initia par correspondance, puis par des stages à l’étranger. Un jeune réalisateur, du nom de Abdelmajid Rchiche, remarqua sa ferveur et sa foi dans son avenir cinématographique. Il en fut épaté. Manière de le mettre en selle, il l’engagea dans ses courts métrages, Six et douze (1968), Forêt (1970), Al Borak (1973). Mais si le talent du novice se mettait à s’exprimer, sa personnalité suscitait la défiance des cinéastes et producteurs installés. Tout se passait comme si cet homme épris de liberté, qui pardonnait mal la médiocrité en général et celle du milieu cinéphilique en particulier, avait été expédié au purgatoire des indésirés. Plus le temps passait, plus Majd prenait conscience de la vanité, ainsi que de la vacuité du milieu du spectacle. Il connaissait tous les tours et les détours du sérail : les grandeurs et les servitudes, les solidarités et les mesquineries, les rites désuets, les éloges de circonstance, les acrobaties diplomatiques entre les clans, les appuis qui élèvent et les peaux de banane qui font choir.

Du théâtre à la télévision, puis au grand écran
Mais les dés de l’histoire roulent. Tant que les consécrateurs haineux régentaient le septième art, Mohamed Majd se voyait assigné à la marche à l’ombre ; avec l’incursion d’une bande de jeunes hussards venus d’ailleurs pour secouer le cocotier, son destin prit une tournure plus radieuse. C’est Nabil Ayouch qui, le premier, osa parier sur ce méconnu, en lui faisant incarner le personnage de Lbahri dans son joyau Ali Zaoua. C’était en 1999, il était presque soixantenaire et pratiquement anonyme, sauf pour les avertis. La qualité de son jeu convainquit critiques et cinéastes, et on le retrouva en 2002 dans le tragique Et après de Mohamed Ismaïl, donnant la réplique à son compère Mohamed Miftah. La même année, il étonna dans le chaleureux Cheval de vent du duo Ahmed Bouanani-Daoud Aoulad Syad, ce qui lui a valu le prix d’interprétation masculine du Festival de Nantes. Dans Mille mois (2003), signé Faouzi Bensaïdi, il composa un grand-père attendrissant. En 2004, Nabil Ayouch, admiratif, l’invita à illuminer Une minute de soleil en moins. Mais c’est dans ce festin spirituel qu’est Le Grand voyage (2006), d’Ismaïl Ferroukhi, que Mohamed Majd se transcenda, déployant un talent incommensurable que le surréaliste En attendant Pasolini (2008), réalisé par Daoud Aoulad Syad, vint confirmer, et le glauque Zéro (2012), de Noureddine Lakhmari, sceller.
Anonyme pendant longtemps, Mohamed Majd prit sa revanche sur le destin à 60 ans
Mohamed Majd était revenu de loin, de très loin. Ignoré la plupart de sa vie, il connut la gloire du jour au lendemain. Juché sur ce piédestal jusqu’à son départ pour l’autre monde, il ne faisait pas de cinéma. Discret jusqu’à la moelle, le narcissisme n’était pas sa pente, ni donc la confidence. Il pratiquait la pudeur avec méthode et sourire. Dans ce dernier affleurait un peu de mélancolie. Il parlait doucement, en se méfiant des grands mots qui font passer pour un donneur de leçons. Il se montrait courtois, mais se liait rarement d’amitié. A cause de sa superbe qui refusait toute compromission, il fut assimilé à Alceste, le misanthrope de Molière. Ce qui nous touchait, c’était que la misanthropie de Majd n’était pas une aversion pour le genre humain, mais un refus de pratiquer l’hypocrisie sociale. Comme le héros de Molière, il aurait pu s’exclamer : «Je veux qu’on soit sincère et qu’en homme d’honneur, on ne lâche  aucun mot qui ne vienne du cœur».
Mohamed Majd n’était pas seulement un nom de légende à faire saillir les rêves, il constituait aussi un des rares acteurs marocains dont la réputation franchit les frontières, grâce aux nombreux films, 85 précisément, qu’il a tournés sous la conduite de cinéastes étrangers.
Dès 1976, il a joué dans Le Message, du réalisateur américain d’origine syrienne, Mustapha Akkad, aux côtés d’Irène Papas et Anthony Quinn. En 1990, il s’illustra dans Les Mille et Une Nuits, de Philippe de Broca, tourné au Maroc. Puis, il se fit remarquer dans Syriana (2005), mis en images par Stephen Gaghan, et rehaussé par la présence de George clooney et Matt Domon. L’année suivante, Mohamed Majd partageait l’affiche avec Roschdy Zem dans Indigènes, du Franco-Algérien Rachid Bouchareb. Il a été également dirigé par Richard Stroud (dans le téléfilm Deadline), François Luciani, Bernard Stora, Pierre Aknine, Stéphane Kurk, Harry Winer, Florent Emilio Siri, auteur de L’ennemi intime, où Benoît Maginet et Albert Dupontel tiennent la vedette, ou encore le Roumain Radu Mihaileanu, dont La Source des femmes fit sensation.
Entier, sentimental, affranchi des conventions, Mohamed Majd était admiré des cinéphiles les plus aguerris. Surtout qu’il n’avait pas son pareil pour faire palpiter un film, sans chercher l’effet, et transmuer un navet ou nanar en bout filmé regardable. C’est de ce prodige-là que la scène marocaine est aujourd’hui orpheline, et c’est une perte irréparable.
Et-Tayeb Houdaïfa. La Vie éco
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Scénario catastrophe

L’écriture des scénarios, cette étape pourtant primordiale dans le processus de création des films, est, hélas, souvent bâclée au Maroc. Précaire et peu valorisé, le métier de scénariste profitera peut-être, cela dit, de l’augmentation de la production cinématographique.
Scenario catastrophe
Jamal Belmahi fait un travail exaltant. Il imagine des intrigues, des rebondissements, ourdit des complots, compose des univers, y fait vivre des personnages exécrables, drôles, attendrissants ou ambigus… Bref, il est très doué pour raconter des histoires. Mais, contrairement à un romancier, vous ne verrez pas son nom trôner sur la couverture d’un livre. Avec un peu de chance, vous l’apercevrez dans le générique d’un film qui vous aura plu. Les Chevaux de Dieu, le chef-d’œuvre de Nabil Ayouch, par exemple. Car Jamal Belmahi en est le scénariste.
Dans ce cas précis, le jeune auteur n’a pas eu grand-chose à «inventer». Il s’agissait plutôt d’«adapter» le livre de Mahi Binebine, Les Étoiles de Sidi Moumen (Flammarion). Fallait-il «simplement» synthétiser ce roman, en fournir une pâle copie dégraissée ? Certainement pas. «La difficulté est de prendre ses distances par rapport au roman, de se séparer de certains personnages, d’éléments de style, etc., explique Jamal Belmahi. L’écriture scénaristique est plus contraignante que la littérature. Il y a la limite du temps, bien sûr -le film doit plus ou moins durer deux heures-, mais ce n’est pas le seul frein. Nous ne percevons pas les images d’un film de la même manière que nous construisons celles qu’un roman nous propose. Le cinéma exige une forme de simplicité et d’unité qui le caractérise. On passe réellement d’un langage à un autre. Le mot adaptation est bien choisi».

Un document «utile et inspiré»
Il y a aussi les scénarios inspirés de faits divers, de figures historiques marquantes ou de personnages de moindre envergure, croisés au quotidien. «L’amorce peut également venir d’un autre film, d’un thème, d’un morceau de musique ou tout simplement d’une idée imposée», poursuit le scénariste. Peu importe l’idée de départ, l’essentiel est de bien préparer la phase d’écriture : construire le canevas de l’histoire, définir ses grands moments d’articulation, fignoler les personnages, veiller à ce que la trame illustre le thème choisi… Autant d’ingrédients qui participent à la réussite d’un texte. Mais, attention ! la seule dimension créative ne suffit pas à faire un bon scénario. «Au-delà du ton, du propos, du style, de ce qu’on appelle parfois l’univers, ce qui fait la particularité du scénario par rapport au roman, c’est qu’il constitue aussi un outil pour un ensemble de personnes : financiers, réalisateurs, acteurs, opérateurs, costumiers, maquilleurs, etc. C’est un document éphémère, qui disparaît à mesure que le tournage avance. Un bon scénario serait donc un document utile et inspiré avec une grande capacité de dissolution. Rien de pire en effet, lorsque l’on regarde un film, que de sentir qu’il existe un scénario !», prévient Jamal Belmahi.
Plus prosaïquement, «un bon scénario est un scénario qu’on arrive à vendre à un bon réalisateur qui en fait un bon film». Le scénariste des Chevaux de Dieu peut s’estimer heureux car peu de réalisateurs marocains se montrent pointilleux sur la qualité des scénarios qu’on leur propose. Certains choisissent même de se passer des services d’un scénariste professionnel. «L’insuffisance, l’indigence des scénarios est peut-être le problème le plus épineux du cinéma marocain, regrette Ameur Cherqui, fondateur du Festival cinématographique universitaire d’Errachidia. Nous avons de grands réalisateurs qui font de très belles choses mais qui, hélas, n’ont pas beaucoup de scénarios à se mettre sous la dent». Le critique de cinéma a vu le film Zéro, écrit et réalisé par Nourreddine Lakhmari. Verdict : «Ce que j’ai aimé, c’est une réalisation de maître. Mais l’histoire est très insuffisante. Ce film aurait été mille fois mieux s’il avait eu un bon scénario». Ameur Cherqui est plus sévère pour d’autres longs-métrages en compétition lors du récent festival de Tanger. «Le problème du scénario transparaît également dans le film d’Anouar Mouatassim, A l’aube un 19 février. Nous avons là affaire à un thème central censé être nourri par une multitude d’histoires intimes, parallèles. Sauf que ces histoires se ressemblent toutes et ne servent souvent en rien la thématique principale». Et Jamal Belmahi d’acquiescer : «Bâcler le scénario, ne pas le confier à un professionnel est très regrettable. Je ne le pense pas seulement en tant que scénariste, mais aussi en tant que simple spectateur de films. Que de fois, je me suis dit qu’avec un scénariste, tant de petites (ou moins petites !) fausses notes auraient pu être évitées. Ce sont souvent des choses qui font basculer un film d’un niveau à un autre. J’invite réellement les réalisateurs et réalisatrices marocains à oser la rencontre avec un scénariste. Leur créativité, j’en suis persuadé, n’en sortira que grandie».

Un métier très précaire et peu valorisé au Maroc
Mais pourquoi le scénario est-il le maillon faible du cinéma marocain ? Pour Mohammed Bakrim, notre pays ne forme pas suffisamment de scénaristes. «J’ai, un jour, présenté l’immense acteur égyptien Nour El-Sherif à mes étudiants. Quand ils lui ont dit que leur école ne disposait pas d’un département d’écriture scénaristique, il a été très étonné». Et de marteler : «Trois ou quatre grands noms comme Ahmed Bouanani, Youssef Fadel ou Mohamed Chouika ne suffisent pas». Le critique croit savoir, cela dit, qu’un futur institut public de cinéma prévoit une formation au métier peu valorisé de scénariste.
Peu valorisé… Et précaire. «Cela force une large majorité de scénaristes (dont je fais partie) à cumuler les casquettes, assure Jamal Belmahi. Il faut savoir que même en France par exemple, pays des droits d’auteur, il n’existe pas de statut de scénariste. Voilà ma petite anecdote sur ce sujet. Alors que je vivais à Vienne et que je commençais à peine l’écriture des scénarios, j’assistais à ma première rencontre de l’association des scénaristes autrichiens. Que fut ma surprise de découvrir qu’ils n’étaient pas là pour échanger des idées sur l’écriture de scénarios, mais pour discuter de leurs soins dentaires et des remboursements éventuels de la sécu. J’ai vite compris dans quoi je mettais les pieds !»
Le scénariste reste, malgré tout, optimiste. «Je pense que l’augmentation de la production de films marocains va renforcer le statut du scénario. Des jours plus heureux devraient donc s’annoncer pour nous». Le critique Mohammed Bakrim partage cet espoir : «Nous sommes passés d’une époque où le réalisateur faisait tout lui-même à une autre où les choses se professionnalisent, où il y a de la demande en matière de scénarios de films, mais aussi de séries, de téléfilms, etc. Beaucoup de jeunes arrivent sur le marché et commencent à se structurer pour mieux défendre leurs intérêts artistiques, contractuels et financiers. Rien n’est plus efficace que la prise de conscience des concernés pour acquérir leurs droits et améliorer leurs conditions».
Sana Guessous. La Vie éco
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Fouad Guessous : «Nos cinéastes et hommes de théâtre s’intéressent si peu au melhoun»

Dans son dernier livre, le féru du melhoun, Fouad Guessous, se penche sur la thématique du «Harraz», du «cerbère» dans l’imaginaire et le patrimoine populaire marocain.
Fouad Guessous
Que signifie le «Harraz» dans l’art du melhoun ? Et pourquoi avoir choisi d’approfondir ce thème en particulier ?
Le terme «harraz» a pour racine le verbe arabe «haraza» qui veut dire «garder, surveiller» et de l’expression «hariz», qui signifie «inaccessible». «Harraz» signifie donc gardien, geôlier, cerbère, par référence au chien féroce chargé, dans la mythologie grecque, de garder les portes de l’enfer. Il était impossible de déjouer sa vigilance ! Dans le genre «harraz», le scénario est toujours le même : un homme s’éprend d’une jeune fille qu’il pense épouser un jour. Survient alors un individu généralement très riche qui va séquestrer la bien-aimée dans un palais entouré de murailles et sécurisé par la présence permanente de vigiles, voire de djinns... Le «harraz» est donc le geôlier de la bien-aimée, que l’amant, après d’innombrables et opiniâtres tentatives, finira par vaincre afin de libérer sa promise.  
Le répertoire du melhoun est riche de plus de 50 harraz. C’est dire si ce thème a, aux yeux de ses auteurs, une signification profonde. Un thème qui se différencie des nombreuses histoires d’amour rapportées par les littératures à travers le monde (Roméo et Juliette, Tristan et Iseult, etc.). D’après le melhoun, l’amant finit toujours par retrouver sa bien-aimée.

Trouvez-vous que le melhoun, ce vaste et riche pan de notre culture, soit suffisamment abordé, valorisé par nos écrivains, cinéastes, artistes et «intellectuels» ?

Ce genre «théâtral» a si peu inspiré hommes de théâtre et cinéastes. Même sur les ondes, les temps ont changé : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Radio marocaine et plus tard la Radio télévision marocaine, sous l’impulsion de son directeur Abdallah Chakroun, a largement participé à la consécration de cet art plusieurs fois centenaire. Hélas, l’intérêt porté de nos jours par nos radios et télévisions locales demeure timide pour ne pas dire superficiel. Nos voisins algériens apportent manifestement plus de soin et d’enthousiasme à la perpétuation de cet art populaire.
Les inspirations théâtrales actuelles demeurent insuffisantes, celles du cinéma inexistantes ! Pourtant, quiconque lirait ou écouterait un harraz se rendrait vite compte qu’il s’agit d’un véritable scénario qui, le plus souvent, n’a nullement besoin d’adaptation ou de refonte. Les mots remplacent aisément le décor et le public n’a besoin que de ses oreilles et de son attention pour savourer la beauté, la profondeur et la magie du verbe.
Faut-il attendre que quel-ques cinéastes étrangers découvrent la beauté de ce patrimoine littéraire, comme ils avaient découvert la splendeur de notre patrimoine architectural (les riads) ? Ce sera chose faite bien plus tôt qu’on ne le pense !
Certes, nos intellectuels ne méconnaissent pas ce trésor. S’ils l’ont longtemps négligé, on note cependant un regain d’intérêt ou un retour de flamme, puisque certaines facultés de lettres ont maintenant un département melhoun et quelques étudiants commencent à s’y intéresser.

Vous déplorez le peu d’intérêt accordé par la «génération francophone» au melhoun. Comment pourrions-nous remédier à cela et sauver ce patrimoine de l’abandon ?

C’est exactement la question que je m’étais posée il y a une dizaine d’années, lorsque je me suis mis à traduire quelques «quassida» en français. Mon objectif était d’amener ces francophones à retrouver le texte original en arabe marocain, de le posséder comme l’ont possédé nos ancêtres qui n’étaient pourtant pas des cloches. Ceux qui ont lu ou écouté mes traductions ont été séduits par la beauté des métaphores et la splendeur des thèmes évoqués par ce fleuron de la littérature populaire marocaine. Et c’est là ma plus grande satisfaction. Ceux qui méconnaissent le melhoun et ses charmes regrettent cet état dès qu’ils le découvrent. Mais, fort heureusement, nous avons encore de véritables nostalgiques de cette littérature, et nos médias gagneraient à s’y intéresser davantage au lieu de favoriser la promotion de cacophonies notoires.

Que pensez-vous des artistes qui, comme Jamal Nouman, tentent de «moderniser», de «réinventer» le melhoun, de le rendre plus accessible à une ouïe profane ?  

Tout ce qui peut capter de nouveaux adeptes de cet art merveilleux est le bienvenu. Je fais cependant partie de ceux qui pensent que le melhoun n’a pas besoin de changer. La magie des mots n’a nullement besoin de fond musical nouveau. Le mot remplace l’image, le mot crée sa propre image qui se passe de musique. La puissance de l’image ainsi créée, alliée à la puissance du verbe, devient la musique même.
Propos recueillis par S.G.
Sana Guessous. La Vie éco
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«L’hôpital» : la résurrection d’Ahmed Bouanani

Un an après le décès d’Ahmed Bouanani en février 2011, son livre, «L’hôpital», fait renaître des cendres une œuvre mal connue du jeune public. Édité une première fois en 1990 en France, «L’Hôpital» a dû attendre vingt-trois ans pour être enfin réédité au Maroc.
Ahmed Bouanani
Dès les premières lignes, ce récit à la mécanique implacable plonge le lecteur au cœur d’une histoire aussi simple que complexe. Tout se passe dans un hôpital où le narrateur est en séjour médical. Dans le Pavillon C, il côtoie des tuberculeux rejetés par tous et partout. Ils ne reçoivent pratiquement pas de visites familiales. Les infirmiers ne se rendent à leur chevet  que lorsqu’ils sont de passage, pour les débarrasser des plus chanceux que la mort a pu emporter. Le ton est donné d’emblée et la violence est permanente, tant au niveau du discours que dans le déroulement des faits. Le lecteur est projeté dans un univers où la colère s’est transformée en un sentiment de vengeance. Un univers où l’indifférence glaciale nourrit les rapports de force. De force ou de gré, les personnages sont traînés dans ce système établi. Ils en sont des pions garantissant la continuité. Ils sont rodés pour perpétuer les mêmes rôles. Ils portent les mêmes habits, selon l’ascendant psycho-social et la puissance hiérarchique de chacun.

Une langue riche et imagée
Le choix de l’espace où se déroule l’histoire est symbolique. Dans L’hôpital, on ressent l’insouciance hautaine et permanente d’une frange de la société, dont une autre frange est tellement lasse qu’elle ne lutte plus contre. On y revoit les situations actuelles de certains hôpitaux. On y écoute la misère humaine que nul mot ne peut décrire. Les hommes de pouvoir personnifiés par les infirmiers y profitent de leur rôle tout puissant, prétendant que c’est de leur bien-être que l’existence des autres dépend, notamment la survie des patients.
Dans le livre, Ahmed Bouanani s’inspire d’un séjour hospitalier qu’il a réellement vécu. Il ne nomme pas la maladie l’ayant obligé à rester à l’hôpital, mais il parle de quelque chose qui l’«empêche d’être dans un état normal». Au fil du récit, on constate que l’écrivain a fait le choix d’omettre toute indication géographique sur la situation de l’hôpital. Quant aux faits, il ne les bornera par aucun contexte historique.
A travers L’hôpital, Ahmed Bouanani a créé une œuvre immortelle avec brio. Une œuvre que ni le temps ni l’espace ne prennent en otage. Riche de ses expériences de cinéaste et de dessinateur aux côtés de celles d’écrivain et de poète, l’imagination enrichie par les contes traditionnels marocains, Ahmed Bouanani a la rare capacité de faire transformer les mots en images auprès des lecteurs. L’hôpital est un cri qui sort de l’intérieur lorsque plus rien n’est à espérer, au moment où les individus se trouvent impuissants face à la fatalité des structures sociopolitiques.

Ghita Zine. La Vie éco
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Mahi Binebine : joyeux paradoxe

À Casablanca, la Galerie 38 offre sa toute première rétrospective à l’artiste-peintre Mahi Binebine. Agé de 54 ans, dont 20 dédiés à la peinture, à la sculpture et à la littérature.
Mahi Binebine
C’est un gai luron qui peint de sombres tableaux. C’est une énigme sur mocassins, un paradoxe en chair (épanouie) et en os, réjouissant de bonhomie, rougissant de plaisir. Le voilà qui éclate encore de ce rire franc au milieu de tant de visages cireux, de tant de regards résignés, sanguinolents, chargés d’ombres et de misères. «J’évacue toute ma noirceur dans la peinture. C’est pour ça que je rigole tout le temps», explique Mahi Binebine. En se bidonnant, bien sûr.
Est-ce l’air de Tahnaout, à vingt-cinq kilomètres de Marrakech, qui rend léger, euphorique ? Car le peintre y manie la cire d’abeille et les pigments naturels depuis bientôt dix ans. «Oui, je travaille à Al Maqam, une belle résidence d’artistes au pied de l’Atlas. Paisible, pleine d’arbres centenaires. L’odeur d’huile d’olive me chatouille les narines jusque dans mon atelier, grâce au pressoir traditionnel qui se trouve à quelques pas», se délecte l’artiste, sûrement aussi bon vivant que rigolard.  

Un artiste migrateur
Indolent ? Jamais de la vie ! «J’arrive tout juste de Paris pour assister à ma toute première rétrospective à la Galerie 38 de Casablanca». Il reprendra l’avion deux jours plus tard «pour la sortie de mon livre “Le Seigneur vous le rendra” chez Fayard». La semaine suivante, Mahi Binebine retournera sûrement à Casablanca pour le lancement du même roman chez l’éditeur marocain Le Fennec ou pour quelque autre exposition. «Il faut toujours bouger, toujours !», frétille l’artiste.  
«Les hommes sont comme les oiseaux, ils vont là où l’air est le plus respirable», écrit-il, plus sentimental, dans le quotidien français La Croix. À Al Maqam, c’est sûr, l’homme doit respirer à merveille. Mais il garde quand même son deuxième atelier, à 10 000 kilomètres de l’ocre village… à San Diego, en Californie. On ne sait jamais… Le «nomadisme» pourrait reprendre le dessus et la nostalgie ressurgir pour cet «exil douillet» qui a lancé sa carrière de peintre et d’écrivain : dix-sept ans à Paris, la vénérable ville-musée où il se passionna pour les masques et six ans à New York, la nouvelle Ville Lumière où il vécut ardemment sa période semi-figurative. «J’aime les grandes métropoles, le tapage, la fumée», s’exalte Mahi Binebine, oubliant tout d’un coup ses arbres séculaires et sa tranquille poésie à Tahnaout. «Voyager est aussi et surtout artistiquement captivant. Ça me permet de voir d’autres œuvres, d’y confronter les miennes. Il faut toujours être curieux de savoir ce que les autres fabriquent».
Et que se fabrique-t-il en Occident ? «Plein de choses. Des installations, de la vidéo et, enfin ! de la peinture. Il était grand temps qu’elle revienne. On la disait morte, mais elle est toujours là et pour très longtemps». Toujours là et pour un bout de temps aussi, au grand dam du peintre, les Jeff Koons, Damien Hirst et compagnie, ces rois du marketing qui font «un peu d’art et beaucoup de business». «Un requin dans le formol, un crâne plein de diamants ou un chien fait avec des ballons, ça ne me touche pas», tranche Mahi Binebine. Des artistes qui signent des «œuvres» faites «en usine» par 200 ou 300 petites mains, ce n’est pas non plus son style. «Moi, je mets la main dans le cambouis. J’aime ça, j’ai même besoin de ce côté charnel, physique de la peinture et la sculpture».   

Un matheux converti aux arts
Nous revoici face à un paradoxe. Jouisseur, Mahi Binebine est allé se perdre, des années durant, en terre d’exactitude, au fin fond des spirales mathématiques. «Gamin, j’étais en internat où je n’avais rien d’autre à faire que d’étudier. Alors j’ai continué. Après le bac, j’ai fait une maîtrise puis un DESS à Paris et je suis devenu professeur de maths». Des années après, Mahi Binebine a pu faire publier ses romans puis, «quand la peinture a explosé», vivre de son art.
Belle revanche pour cet enfant qui se rêvait «chanteur de charme» et qu’on a empêché de faire des études de musique. Une époque que l’on devine pénible, l’artiste la frôle à peine, d’ailleurs : «J’ai grandi dans la vieille médina de Marrakech, avec ma mère, mes six frères et sœurs. Mon père est parti trop tôt, quand j’avais quatre ou cinq ans. C’est pour ça que je peins ces choses-là», confie l’artiste-peintre en pointant du doigt un tableau sur le printemps arabe puis un autre sur l’immigration clandestine. Et en riant aux éclats, malgré tout. «Les damnés de la terre, les opprimés, ces gens qui veulent exister, se tenir debout, qui en ont marre de se courber, voilà ce qui m’inspire», scande Mahi Binebine, qui voue une immense admiration à sa mère. «Cette femme extraordinaire qui était secrétaire, qui s’est remise aux études, a décroché l’équivalence du bac, une capacité en droit, une licence puis un poste de chef de service dans un ministère à Marrakech. Elle s’est battue, elle y est arrivée. On peut y arriver. Il suffit de s’y mettre, de bosser».
Et d’avoir du soutien. «J’ai rencontré des gens très généreux qui m’ont beaucoup aidé dans mon parcours. C’est pour ça que j’aide toujours les jeunes quand je peux». Mahi Binebine organise, deux fois par an, des expositions collectives pour les artistes débutants en mal de public et de médiatisation. «Huit jeunes ont exposé récemment à l’espace CDG de Marrakech. Des jeunes magnifiques, qui vont m’enterrer bientôt», scande l’artiste. En se tordant de rire, c’est évident.

Brièvement : Mahi Binebine

-  1959 : Naissance à Marrakech.
-  1980 : Arrivée à Paris pour poursuivre des études de mathématiques.
-  1992 : Parution de son premier roman, «Le sommeil de l’esclave» chez Stock.
-  1994 : S’installe à New York. Le Musée Guggenheim commence à acquérir ses œuvres.
-  2002 : Retour à Marrakech.
-  2013 : Première rétrospective à la Galerie 38 de Casablanca (jusqu’au 21 mars). Sortie des «Chevaux de dieu», l’adaptation cinématographique de son roman «Les Étoiles de Sidi Moumen». Sortie du roman «Le Seigneur vous le rendra».
Sana Guessous. La Vie éco
www.lavieeco.com

Le sublime cauchemar américain

Ouvrez ce roman, sans tarder, ouvrez-le et vous verrez, ce sera le seul «effort» que vous ferez, la seule contrainte. C’est un sortilège que ce roman, le premier paragraphe vous aimante, le second vous intrigue, le troisième vous happe et ainsi de suite jusqu’à la fin, qui vous dévore.
cauchemar américain
Extrait :
«Mon conseil à tous les écrivains qui débutent est très simple. Je leur recommanderais de ne jamais éviter une expérience nouvelle. Je les exhorterais à vivre la vie dans toute sa crudité, la prendre bravement à bras-le-corps, l’attaquer à poings nus».
En quelques mots :

Demande à la poussière, roman américain culte, nous invite dans le parcours initiatique d’Arturo Bandini, jeune écrivain qui rêve de l’American Dream et se heurte à la rudesse de la vie. Se rendant à Los Angeles, il rencontre au hasard de sa route Camilla, jeune serveuse dont il tombe fou amoureux et avec qui il forme un couple à la passion autodestructrice.
Mais résumer ainsi ce chef-d’œuvre de la littérature américaine serait trop réducteur. Ce n’est pas seulement le roman d’Arturo, c’est également une ode à la beauté et la déchéance des femmes, à travers des portraits et des personnages poignants, c’est un hymne à Los Angeles dont l’auteur loue la beauté et la magie autant qu’il pleure la poussière qui hante ses rues jusqu’à se déverser dans le désert Mojave ; c’est une plaidoirie contre les bas-fonds de la ville et la misère qui se cache derrière les façades rutilantes de la cité des anges ; et c’est surtout une plongée bouleversante dans l’esprit torturé d’un homme prisonnier de ses rêves, de ses désirs, ses contradictions et ses complexes, et dont la voix porte le roman jusqu’à des hauteurs de lyrisme et d’émotion inoubliables.

L’auteur :

Né en 1909 au Colorado, John Fante est un romancier, essayiste et scénariste américain. Demande à la poussière est le deuxième volet de la trilogie autobiographique qui comprend Bandini (1938, éditions 10/18) et Pleins de vie (1952, éditions 10/18). John Fante est considéré comme le précurseur de la Beat Generation et comptait Charles Bukowsky parmi ses fervents admirateurs.

Ce qu'en pense La Vie éco :
Ouvrez ce roman, sans tarder, ouvrez-le et vous verrez, ce sera le seul «effort» que vous ferez, la seule contrainte. C’est un sortilège que ce roman, le premier paragraphe vous aimante, le second vous intrigue, le troisième vous happe et ainsi de suite jusqu’à la fin, qui vous dévore. De la grande littérature, décrite par Charles Bukowski comme «de l’or trouvé dans une décharge publique».

«Demande à la poussière», John Fante, Edition 10/18, janvier 2002, 271 pages, 100 DH.
Sana Guessous. La Vie éco
www.lavieeco.com