De 2008 à 2012, la valeur de marché des entreprises
cotées a chuté de 38% pour ne totaliser que 427 milliards de DH. Maroc
Telecom, Addoha, CGI, BMCE Bank et Lafarge ont vu leur valorisation
chuter de plus de 50%.
Mais il existe un autre effet de la crise internationale sur le Maroc, et il n’est pas des moindres car il concerne les fleurons de l’économie marocaine : les entreprises cotées à la Bourse de Casablanca ont vu leur valeur de marché chuter de 38% depuis le déclenchement de la crise. La capitalisation boursière de la cote est en effet passée de 692 milliards de DH en mars 2008 à 427 milliards aujourd’hui. Ce sont donc 265 milliards de DH qui se sont volatilisés en un peu moins de cinq ans !
Cette perte de valeur n’est pas sans impact sur les différents acteurs du marché. D’abord, les cours boursiers sont pris en compte dans la valorisation des entreprises cotées à l’occasion des opérations sur le capital. Lors d’une cession, par exemple, une société cotée rapportera beaucoup moins à son propriétaire qu’il y a cinq ans. Ensuite, les investisseurs qui détiennent le capital flottant des entreprises de la cote subiraient de lourdes pertes s’ils sont amenés à vendre actuellement, surtout s’ils ont acheté au plus haut, par exemple en 2007 et 2008. Même sans vendre, les institutionnels, notamment les compagnies d’assurance et les caisses de retraite, ont dû provisionner leurs portefeuilles d’actions durant ces cinq dernières années, ce qui n’a pas manqué d’éroder leur rentabilité.
Cette capitalisation boursière perdue résulte principalement de la baisse des cours des sociétés qui pèsent sur le marché, suite au retrait des investisseurs étrangers et à la perte de confiance des investisseurs locaux. Maroc Telecom (20% de la capitalisation boursière globale actuellement) arrive en tête de ces valeurs. Son cours boursier est passé d’un plus haut de 212 DH atteint en 2008 à 105 DH aujourd’hui, soit une chute de 50%. Outre la crise et son impact psychologique sur les investisseurs, ces derniers se sont désintéressés du titre boursier de l’opérateur télécom quand ses indicateurs de rentabilité ont emprunté une tendance baissière. En effet, à partir de 2009, les bénéfices de Maroc Telecom ont commencé à reculer sous l’effet de la baisse des prix des appels induite par la recrudescence de la concurrence dans le secteur. De 9,5 milliards de DH en 2008, le bénéfice annuel est passé à 8 milliards en 2011 et les analystes prévoient un résultat de 7 milliards au titre de 2012.
Les mastodontes de l’immobilier, Addoha et CGI (respectivement 4,5% et 2,9% de la capitalisation boursière), ont eux aussi vu leurs cours fondre de plus de 70%. D’un pic de 228 DH atteint en 2008 (cours ajusté), l’action Addoha a chuté à 59 DH actuellement. La raison est ici purement psychologique (crainte d’une crise dans le secteur immobilier), le promoteur ayant sensiblement amélioré ses résultats ces dernières années et se positionnant dans un segment sûr qu’est le logement social. Il faut dire aussi que depuis son introduction en bourse en juillet 2006 jusqu’à mars 2008, le cours de la société a été multiplié par sept, passant de 585 DH à plus de 4 400 DH. Il était donc naturel que la valeur subisse une correction dans un contexte de crise et de perte de confiance.
Pour sa part, la CGI a vu son cours passer de 2 500 DH en 2008 à 670 DH actuellement. La valeur était à l’époque jugée surévaluée par l’ensemble des analystes. Elle traitait à plus de 150 fois ses bénéfices annuels, alors que le cours d’Addoha, par exemple, représentait à peine 26 fois ses bénéfices. Il était donc normal qu’elle subisse une correction, d’autant plus que ses résultats sont en baisse depuis 2010 et en décalage par rapport au dernier business plan présenté aux investisseurs.
BMCE Bank (7,4% de la capitalisation boursière) était également surévaluée par rapport à son secteur et au marché en général. En 2008, l’action s’échangeait à 330 DH, ce qui correspondait à plus de 40 fois ses bénéfices annuels, contre un peu plus de 20 pour le secteur. En raison de ce cours élevé, la valeur a fini par céder à la chute du marché en 2008 pour atteindre actuellement un cours de 150 DH, soit une baisse de 54% en moins de cinq ans. Il faut dire aussi que la banque a subi de plein fouet les effets de la montée des risques d’impayés, son bénéfice ayant chuté de 50% en 2009 avant de se redresser en 2010 et se maintenir stable en 2011.
L’autre banque à avoir accusé le coup ces dernières années est BMCI (2,6% de la capitalisation boursière), son cours ayant chuté de 1 150 DH en 2008 à 800 DH actuellement (-30%). Ceci malgré le fait qu’elle soit correctement valorisée et qu’elle ait su faire face à la crise, son bénéfice n’ayant baissé que de 4% en 2009 avant de reprendre le chemin de la croissance. Ce qui signifie que la valeur a subi l’arbitrage des investisseurs en faveur d’autres banques de la cote, dont Attijariwafa bank et la BCP.
Enfin, Lafarge Ciments (4,9% de la capitalisation boursière) est passée d’un cours de 2 300 DH en 2008 à 1 200 DH actuellement, soit une baisse de 50%. Comme Maroc Telecom, le cimentier a dû faire face à une concurrence plus rude avec l’arrivée de Ciments de l’Atlas. Ceci en plus d’une demande qui s’est tassée en raison du ralentissement constaté dans le BTP et l’arrêt du programme de logements sociaux en 2009.
L’autre facteur qui a contribué à la baisse de la capitalisation boursière au cours des cinq dernières années est le retrait de plusieurs sociétés de la cote. Il y a eu d’abord la radiation de la société Le Carton (groupe Holmarcom en 2008), suivie par celle de la compagnie d’assurance La Marocaine Vie (groupe Société Générale) en 2009, de LGMC (Les Grandes Marques et conserveries chérifiennes, rachetée par Mutandis de Adil Douiri) en 2010, et de Berliet (Renault Trucks) en 2011. Tous ces retraits étaient volontaires, autrement dit ce sont les actionnaires de référence de ces entreprises qui ont décidé de quitter la cote, pour des raisons diverses. Mais le départ de la cote qui a eu le plus d’effet est celui d’ONA et SNI, retirés en 2010 suite à la décision du top management de ne plus inscrire à la cote et les holdings de tête et les filiales, conformément à la pratique internationale. Ce retrait a privé le marché d’une capitalisation boursière de plus de 40 milliards de DH. En face, les introductions en bourse étaient peu nombreuses : cinq en 2008 contre dix en 2007, aucune introduction en 2009, deux en 2010 et quatre en 2011 ; et aucune entreprise de grande taille n’a rejoint la cote.
A 427 milliards de DH, la capitalisation boursière du marché risque-t-elle de s’effriter davantage ? Ce qui est sûr, c’est qu’aucun signe de reprise n’est visible pour le moment. La Bourse a commencé l’année par la même tendance baissière et l’indice du marché affiche un recul de 4% depuis début janvier, avec des volumes de transaction très faibles. La confiance ne semble pas de retour et, de l’avis de tous, il faut une méga introduction en bourse couplée à une véritable reprise économique (un redressement de la rentabilité des sociétés cotées surtout) pour qu’un revirement s’opère sur le marché. Autrement, la valeur des entreprises cotées continuera de se dégrader.
Bourse : Des actions toujours chères malgré la chute du marché
Les quatre années de baisse qu’a passées le marché boursier ont fini par ramener sa valorisation à un niveau plus correct. La capitalisation boursière représente 14 fois les bénéfices estimés des sociétés cotées au titre de 2012 et seulement 13 les bénéfices prévus en 2013, contre des niveaux supérieurs à 20 avant la crise. Cette valorisation rapproche la place de Casablanca des Bourses voisines qui sont, elles, nettement moins chères.Cela dit, certaines valeurs de la cote restent surévaluées car soit leurs cours n’ont pas subi une forte correction, soit leurs bénéfices ont également baissé sur la période. Parmi ces valeurs on trouve toujours BMCE Bank qui traite à 32 fois ses bénéfices estimés pour 2012, la CGI qui affiche un PER de 36, Managem dont la valeur représente près de 40 fois ses bénéfices et Taslif qui traite également à 40 fois ses résultats.
En face, on trouve quand même des titres correctement valorisés. C’est le cas notamment d’Attijariwafa bank et de la BMCI dans le secteur bancaire (moins de 13 fois les bénéfices), de CNIA et de Wafa Assurance dans le secteur des assurances (près de 12 fois les bénéfices) et de la Compagnie minière de Touissit (CMT) dans le secteur minier qui traite à peine à 6,7 fois ses bénéfices.
Bourse : L’illusion de 2006-2007...
Dix introductions en Bourse par an et des indices qui s’envolent de 70% en une seule année. C’était le contexte dans lequel évoluait le marché boursier durant les années fastes de 2006-2007. L’histoire remonte à 2004, année au cours de laquelle Maroc Telecom avait fait son entrée en Bourse en faisant découvrir à des dizaines de milliers de Marocains ce qu’est l’investissement en actions et les gains qu’on peut réaliser. L’introduction en Bourse de la BCP et de Lydec en 2005 est venue appuyer la tendance mais jusqu’à cette année, les choses évoluaient à un rythme mesuré.En 2006, le marché a accueilli dix entreprises d’un coup, dont le mastodonte du logement social Addoha. Cette introduction en Bourse a bouleversé les tendances et a fait croire aux boursicoteurs que l’on peut se faire beaucoup d’argent en peu de temps. L’année d’après, dix autres introductions en Bourse ont eu lieu, dont celles de la CGI, d’Atlanta et de la Snep. Chacune a attiré un nombre phénoménal d’investisseurs particuliers (120 000 souscripteurs pour la Snep). Normal, les cours ne cessaient de monter et tout le monde voulait en profiter, quitte à prendre un crédit. Mais 2008 est arrivée et l’euphorie a cédé la place à la crainte. Toutes les actions qui progressaient ont dégringolé et l’on s’est rendu compte que les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel.
Ibtissam Benchanna. La Vie éco
www.lavieeco.com
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